Tant qu’Ebola était à la porte de chez nous, on suivait les informations, on écoutait les messages de sensibilisation, on tendait l’oreille dès qu’on entendait parler d’une nouvelle piste de traitement, d’un nouveau pays infecté.
Et puis Ebola est entré chez nous.
Ebola est entré au Sénégal, Ebola est arrivé à Dakar, à quelques centaines de mètres seulement de notre maison.
Il est entré via le corps d’un jeune guinéen qui pour je ne sais quelle raison a décidé, a réussi, à voyager avec le virus comme bagage.
Finalement le Guinéen va mieux, le Gouvernement annonce que son lieu de résidence a été mis en quarantaine, ainsi que les gens qui logeaient avec lui, que tous les passagers qui ont fait le voyage avec lui ou ont été en contact avec lui sont sous surveillance et traitement. Tout est sous contrôle, tout est bien maîtrisé. A ce qu’on nous dit dans les médias en tout cas… D’ailleurs, cinq jours plus tard, on n’en entend même plus parler.
On a droit à de jolies photos avec des soignants en combinaison intégrales, des kits de désinfection, de vrais astronautes. ça fait bien, ça fait pro, ça fait maîtrisé. Et si il devait y avoir 100, 1000, 100.000 cas, y-aurait-il assez de combinaisons ?
L’épidémie peut être contenue, elle peut aussi se répandre plus vite qu’un feu de poudre.
Finalement ce cas au Sénégal aura été un avertissement à une plus grande vigilance puisque pour l’instant nous sommes redevenus un pays sans Ebola.
Ce cas pose aussi question bien au-delà. Sur l’humanité, sur la vie en société, sur la façon dont les gens abordent les crises, se comportent les uns avec les autres.
Les frontières internationales du Sénégal peuvent très bien se fermer du jour au lendemain. Des quartiers entiers de Dakar peuvent être placés en quarantaine. Pourtant la fermeture des frontières n’est pas une solution puisqu’elle empêche les contrôles strictes, organisés et suivis, puisqu’elle pousse les gens à traverser les frontières de manière informelle, ce qui rend les populations dites « à risque » intraçables et ne ferait qu’augmenter le risque de propagation du virus… Et derrière ce virus, quelles conséquences sanitaires, sociales, politiques, économiques ? Nous sommes sur un continent où il y a aussi la pauvreté, la précarité, parfois la guerre. Un continent plein de promesses, mais fragile aussi.
On n’ose pas trop y croire, mais pourtant c’est bien réel. Cette maladie est une vraie plaie.
Pas d’alarmisme, pas de panique à avoir outre mesure. D’ailleurs on n’attrape pas le virus Ebola si facilement que cela. C’est un virus fragile qui ne résiste pas à la chaleur, au vent, au savon. c’est un virus qui se transmet par la transpiration, la salive, les « fluides » humains, raison pour laquelle les proches d’un malade et les soignants sont en première ligne.
C’est d’ailleurs un virus qui ne survivrait pas longtemps en Occident avec des mises en quarantaine bien hermétiques et mieux organisées, un respect des consignes sanitaires autour du malade et/ou de son corps une fois décédé. En Afrique un malade on lui rend visite, un défunt on l’accompagne à main nue jusqu’à sa dernière demeure. Beaucoup vivent aussi dans des conditions bien plus précaires : promiscuité, manque de savon, produits désinfectants, etc, ce qui ne fait que multiplier les facteurs de propagation.
Vous l’aurez compris, nos risques d’être contaminés personnellement par le virus sont vraiment très faibles.
La communication de l’Etat est (étonnamment ?) bien maîtrisée. Le consulat français nous envoie aussi des messages d’information dans le même sens. Pour l’instant on ne sent pas de psychose particulière, juste une inquiétude.
Les consignes sont simples et claires : hygiène, éviter tout contact avec une personne contaminée, numéro vert 800 00 50 50.
Mais ça fait drôlement réfléchir quand même…
En moins d’une semaine, les comportements ont déjà un peu changé dans la rue, dans les maisons. Quand vous tendez la main à quelqu’un ou que quelqu’un vous tend la main, vous voyez dans ses yeux qu’il a ce virus dans la tête, vous aussi vous l’avez d’ailleurs…
La nounou de Michoco lui fait se savonner les mains plus énergiquement. Moi aussi je lui fais se savonner les mains plus énergiquement… Il y a une très grande communauté guinéenne au Sénégal, beaucoup de commerçants, vendeurs de rue, épiciers. On commence à sentir une certaine stigmatisation, un ostracisme que je n’avais jamais ressentie jusqu’à présent. Nous on continue à leur parler, on les voit chaque jour, pourquoi modifier notre comportement ? Mais j’ai vu une dame tendre un mouchoir pour récupérer sa monnaie !
Sur Facebook, des groupes se créent, diffusent des dessins humoristiques, des consignes de prière pour éviter Ebola , au milieu d’autres consignes sanitaires. J’ai même vu passer sur mon fil d’actualité des recettes à base d’oignons pour ne pas être contaminé par Ebola… Espérons qu’au milieu de ces communications informelles le message reste bien clair pour tout le monde. Espérons aussi que les leaders religieux ou autres meneurs d’opinions (notamment politiques, pour la petite histoire au Libéria certains Ministres ont fui le virus en quittant leur pays, bravo Capitaines !!) seront se montrer responsables. Espérons enfin que le message d’intérêt général passera bien plus fortement que ceux d’éventuels charlatans qui auraient l’idée de vendre des recettes de perlimpinpin sur le dos de pauvres gens affolés.
Hygiène, éviter tout contact avec une personne contaminée, numéro vert 800 00 50 50 doivent rester les premiers mots d’ordre.
Alors voilà. Sinon la vie continue normalement, mais un peu différemment quand même…
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