Sans mauvais jeux de mots, parler de chaleur quand on habite en Afrique devrait couler de source.
Mais il n’en est rien car il ne fait pas tout le temps chaud ni à Dakar ni dans mon petit village, bien au contraire vous pourriez être fort surpris si vous venez en décembre sans votre couverture, des chaussettes et un bon gilet à capuche… mais quand il fait chaud, il fait vraiment chaud.
A Dakar, les plus fortes chaleurs se font sentir d’août à novembre avec l’humidité de la saison des pluies. ça colle à la peau.
Dans mon petit village, nous sommes très loin de l’océan, les pluies apportent surtout de la fraîcheur pour les paysans, de l’eau pour les rizières et de l’herbe fraîche pour le bétail.
Dans cet « ici« , les plus fortes chaleurs commencent à pointer le bout de leur nez en mars pour se poursuivre jusqu’à l’arrivée des pluies en juillet. C’est une chaleur sèche, en plein cœur de la saison sèche, entourée de paille sèche, de vaches sèches, de marigots secs et de terre si sèche qu’elle se soulève au moindre pas.
45, 46, 47, 48 degrés à l’ombre. Des températures que l’on ne connaît pas en Europe. J’espère d’ailleurs que l’Europe n’aura jamais à les connaître, avec le réchauffement climatique on est en droit de se poser sérieusement la question…
A cette température-là, les femmes s’affairent dès 4 heures du matin, à la clarté de la lune pour accomplir les tâches les plus pénibles physiquement.
Tac tac tac. Au son des pilons on peut compter combien elles sont autour du mortier. Une, deux, puis bientôt trois, les pilons se croisent en rythme sans jamais s’entrechoquer pour piler, écraser, réduire. Parfois du riz encore enrobé de sa cosse, d’autres fois du mil ou encore de l’arachide. Peu importe, le repas sera bien servi ce midi !
A l’heure des tac tac, une douce brise rafraîchit encore les corps, comme pour mieux les préparer à la chaleur qui s’annonce. Surtout pour ceux qui comme moi on fait le choix de dormir à la belle étoile, pour mieux profiter d’une température acceptable, que seule la nuit à cette époque peut offrir.
Après les tac tac , au tour des coqs de chanter. Irrémédiablement le soleil finira par se lever.
La preuve, les mouches commencent déjà à bourdonner…
6 heures. 6h30 grand maximum.
Dans le saut, l’eau a été tempérée par la nuit. On aimerait la garder ainsi pour plus tard, mais plus tard il sera trop tard… Elle sera brûlante !
Alors tout le reste de la journée passe lentement, très lentement. C’est une lenteur proportionnelle à la chaleur.
A l’ombre d’un manguier, d’un petit hangar fabriqué avec un peu de paille ou des bambous, à l’ombre de la case, on compte chacun de ses gestes, on économise ses pas, ses mouvements. Chacun choisit ses activités en connaissance de cause : on coupe des mangues à faire sécher, on décortique les arachides, on tresse des nattes, taille des petits bois. L’air qu’on respire brûle la gorge. Regarder le ciel pique les yeux. Le bon point : les 4-5 litres d’eau consommés par jour partent tous en transpiration, pas besoin de se dépenser pour une pause pipi !
Finalement même les enfants tombent comme des mouches dans les bras de Morphée à l’heure où le soleil est au zénith. Assommés !
Il est 15 heures, le village dort. Ceux qui ne dorment pas somnolent. Le son des palabres se fait plus lent, plus calme, et très vite, il n’y a plus personne pour l’alimenter !
Les poules ont disparus, les moutons sont étalés en plein chemin et ne se lèvent que pour suivre la courbe du soleil. Seules les mangues encore suspendues aux branches en profitent pour se gorger de soleil. Si par malheur vous devez vous déplacer avant 17 heures, les distances semblent multipliées par 100. Un kilomètre de marche à pied relève d’une expédition héroïque, même pour les plus aguerris.
Jusqu’au coucher du soleil, la chaleur arrête le temps.
Petit à petit, les enfants sortiront de leurs cachettes et de leurs jeux calmes. Puis les femmes iront puiser, se laver, laver le linge, préparer le repas. Les animaux se mettront à la recherche de nourriture et d’eau. Les hommes reprendront leur tâche (ou pas !), les jeunes iront chercher du bois avant de se rendre aux entraînements. Les vieux se rencontreront sous un manguier dont ils ont le secret pour leur « clando », leur « casino » comme ils disent, un petit bar à vin de palme éphémère, improvisé sur quelques troncs d’arbre et peu importe que le vin de palme ait pris des allures de soupe de palme fermentée…
Puis viendra la nuit qu’on essaiera tant bien que mal de faire traîner, on résistera, mais fatigués de n’avoir rien fait, un à un on ira se coucher ou s’endormira sur place pour laisser les corps se remettre de toute cette chaleur emmagasinée.
C’était ma participation pour le thème « chaleur» du projet 52 de Ma’. 5 semaines déjà… Les autres participations sur le même thème sont ici !