Lendemain de fête

Si les quelques jours qui précèdent la fête ne sont que stress, dépenses inconsidérées et frustrations (petit rappel ici), le jour de la fête il en est tout autrement !

Vers 9h – 9h30, les mosquées se remplissent pour la Prière de la Tabaski. C’est une prière rapide, en quelques minutes c’est déjà terminé et à part de brèves (mais chaleureuses) salutations, personne ne s’attarde vraiment. Chacun veut regagner au plus vite son domicile pour égorger son mouton ! C’est tout de même une belle occasion d’assister au plus beau défilé de boubous de l’année (pour ceux qui ont récupéré leur couture à temps !).

A 9h45 on entend le dernier chant des moutons. Ils sentent probablement leur heure venir, ils se répondent les uns aux autres, d’une maison à l’autre, bêêêêêêeeeeee, même les plus calmes poussent la chansonnette, dont le nôtre !

PaperArtist_2014-10-06_10-12-38J’ai baptisé notre mouton de tabaski « TABASCO Ier » ! Nous n’avions jamais eu de mouton à nous pour la fête Michoco et moi. Michoco était bien étonné de le découvrir en bas de notre maison… Bien sûr il avait souillé tout notre perron dans la nuit, mais comment lui en vouloir, lui qui va être sacrifié dans quelques heures, pour ne pas dire minutes… Nous le saluons mais je n’ai pas envie de m’attacher plus que ça, car c’est une amitié qui finira mal…
Certaines personnes s’attachent d’ailleurs tellement à leur mouton qu’elles n’osent pas l’égorger pour la fête et préfère acheter un autre… Non pas que ce soit la bête la plus attachante du monde, mais à force de vivre ensemble au quotidien, je peux comprendre !

Nous qui avions prévu de passer voir des amis dans la matinée, nous sommes assignés à domicile pour cause d’égorgement de mouton !

Heureusement nous avons trouvé en la personne du cordonnier du quartier le bourreau de notre animal. C’est un travail fastidieux car une fois égorgé il faut encore le dépecer de la tête aux pieds, trier les morceaux. L’occasion pour nous de naviguer entre notre mouton sur le perron et les moutons des voisins sur les perrons d’à côté. Michoco n’est pas plus traumatisé que ça. Il commence par « dodo ton » et au fur et à mesure que le mouton ne ressemble plus du tout à un mouton il alterne « miam miam », « manger » et viande ! Il a bien compris le concept…

PaperArtist_2014-10-06_10-33-11Le voisinage se salue, on se souhaite bonne fête, on répartit aussi la viande. Chacun tient à s’offrir un peu de sa viande, on échange donc quelques côtelettes de Tabasco Ier contre un jaret du mouton voisin ! On remet aussi de la viande à des voisins plus éloignés qui n’ont pas eu les moyens d’égorger un mouton, on en donne aux talibés qui circulent dans le quartier, on prépare des sachet de viande qu’on distribuera à d’autres dans la journée. Avec Michoco, on se fait griller un petit morceau de foie, le reste de notre part je la congèle car pas de cuisine pour nous aujourd’hui, nous sommes invités !

Jusqu’à 14 heures, ça s’affère dans les chaumières, on grille, on mijote, chauffe, dore, remue et recouvre… L’attraction principale de la journée sera bien le repas !

PaperArtist_2014-10-06_10-01-50On enfile nos beaux boubous, les rues sont calmes, Michoco est fier dans sa tenue et pressé d’enfiler ses chaussures ! Dans la rue tout le monde prend le temps de se souhaiter bonne fête, de se congratuler sur sa tenue. Bien sûr, nous ne passons pas inaperçus !

Dans les maisons aussi, chacun passe dire bonjour pour quelques minutes à des amis, des parents. Les enfants sont fiers avec leurs jolies tenues, leur coiffure toute fraîche et leur chaussures neuves. Petit à petit les parents se mettent à l’aise, la chaleur aura eu raison de leur tenue flamboyante. Les garçons troquent leurs marakistes (babouches) pour leurs tongs puis leur boubou pour un tricot de corps et enfilent finalement un short de foot ! Seules les petites filles continuent à jouer au jeu des salutations bien apprêtées entre maisonnées ! Vers 18h, crevés, les garçons qui repassent dans leur maison on maintenant le droit d’enfiler leur tenue « occidentale » toute neuve : chemisette à carreaux, jeans et baskets. Ils reprennent leur tour du quartier pour récolter quelques étrennes !

On ne fait rien de plus que les autres jours, on discute, reste assis devant la télévision, on boit un coca, on rit, on transpire, on envoie des sms, répond au téléphone, mais on se sent tous comme des rois, des reines et des princesses !

A la tombée de la nuit, les jeunes troquent définitivement leurs habits traditionnels pour des habits plus modernes, les sonos affinent leurs tests sons, les soirée dansantes vont afficher complet cette nuit. Demain, c’est férié !

On va pouvoir passer la journée à repenser à cette belle journée, replier les boubous dans leurs emballages, dégraisser la cuisine, saluer les amis oubliés et rêver de la prochaine Tabaski !